La Cour suprême du Canada se prononcera sur la tarification du carbone

Les 22 et 23 septembre, la Cour suprême du Canada entendra l’appel de l’affaire relative à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, aussi appelée communément l’affaire de la tarification du carbone, dans laquelle l’Association nationale Femmes et Droit (ANFD) et les Ami(e)s de la Terre ont uni leurs forces pour intervenir. En obtenant l’autorisation d’intervenir dans le dossier, les deux organisations peuvent présenter des arguments qui mettent l’accent à la fois sur les défis uniques des changements climatiques et sur les implications particulières de cette problématique pour les femmes et les filles.

Qu’est-ce qui se passe ?

Le Canada a ratifié la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ainsi que l’Accord de Paris, deux accords internationaux, dans le but de stabiliser la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et de réduire l’augmentation de la température moyenne mondiale afin de limiter les risques et les conséquences des changements climatiques. Un élément clé du plan d’action du Canada pour lutter contre les changements climatiques est la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre [la Loi]. Toutefois, plusieurs provinces ont contesté cette loi devant leurs tribunaux respectifs, et l’affaire sera maintenant entendue par la Cour suprême du Canada.

L’affaire portée devant la Cour suprême porte sur la constitutionnalité, en tout ou en partie, de la Loi. La Loi met en œuvre un système fédéral de tarification de la pollution par le carbone qui établit des normes nationales minimales afin de lutter contre les effets néfastes des gaz à effet de serre et de respecter les objectifs nationaux et internationaux en matière de changements climatiques. Le procureur général du Canada soutient que le gouvernement fédéral est tout à fait dans les limites de ses pouvoirs de légiférer sur la réglementation des émissions de gaz à effet de serre.

Qui est impliqué ?

Les parties

La Cour suprême entendra les provinces de l’Alberta, de l’Ontario et de la Saskatchewan, qui s’opposent à la loi, ainsi que les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique, qui défendent sa mise en œuvre. Les trois provinces remettent en question la validité constitutionnelle de la Loi, car la Loi constitutionnelle de 1867 établit un partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et, selon elles, la Loi dépasse les compétences provinciales. Les cours d’appel de l’Ontario et de la Saskatchewan se sont rangées du côté du gouvernement fédéral en concluant que la Loi ne surpassait pas les compétences provinciales telles qu’elles sont définies dans la constitution. Cependant, face à cette question, la cour d’appel de l’Alberta fut de l’avis contraire et a conclu que le gouvernement fédéral n’avait pas agi dans le cadre de ses compétences en promulguant la loi.

Les intervenants

En raison des implications considérables de cette affaire, plus de 25 intervenants se présenteront devant la Cour suprême pour ajouter aux arguments présentés par les parties principales. Parmi eux figurent plusieurs villes, d’autres procureurs généraux provinciaux ainsi que des groupes autochtones, tels que l’Assemblée des Premières Nations. Comme l’affaire a des implications fiscales, des groupes tels que la Fédération canadienne des contribuables et la Commission de l’écofiscalité du Canada apparaîtront également devant la cour. Parmi les autres intervenants figurent également divers groupes environnementaux, puisque l’affaire concerne des questions environnementales de grande importance.

Une liste complète des intervenants de ce dossier peut être trouvée ici.

L’intervention de ANFD et Ami(e)s de la Terre

L’ANFD et les Ami(e)s de la Terre apparaîtront ensemble devant le plus haut tribunal du pays en tant qu’intervenants conjoints et sont les seuls intervenants soulevant des arguments qui portent principalement sur la nécessité de prendre en compte les effets des changements climatiques sur les femmes et les filles. Le juge en chef Richards de la Cour d’appel de la Saskatchewan a souligné dans sa décision que « les changements climatiques causés par les émissions de gaz à effet de serre [GES] anthropiques sont l’un des grands problèmes existentiels de notre époque (notre traduction) »[1]. Cela explique l’importance de la question soumise à la cour et la nécessité de considérer toutes les facettes du sujet. Comme l’ANFD/les Ami(e)s de la Terre l’ont indiqué dans leur mémoire, « les changements climatiques sont une urgence mondiale et nationale qui a des impacts disproportionnés sur les groupes vulnérables, y compris les femmes et les filles (notre traduction) »[2]. Le gouvernement du Canada est conscient des effets disproportionnés des changements climatiques sur les femmes et les filles, car il a indiqué que les « rôles traditionnels [des femmes] comme principales utilisatrices et gestionnaires des ressources naturelles, principales responsables des soins et du foyer familial obligent les femmes à trouver les ressources et les moyens de subsistance nécessaires, lesquels sont souvent menacés par les changements climatiques »[3].

L’ANFD et les Ami(e)s de la Terre soutiennent donc que le partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux doit être interprété de manière à ce que les deux branches de gouvernement puissent collaborer efficacement pour répondre à la question urgente des changements climatiques, y compris, à la lumière de leurs obligations légales de respecter, protéger et réaliser les droits des femmes et des filles dans le contexte des changements climatiques. En d’autres termes, l’interprétation du partage constitutionnel des compétences doit considérer que notre société est confrontée à des changements sans précédent et en tenir compte. Le mémoire complet soumis par l’ANFD et les Ami(e)s de la Terre à la Cour suprême peut être lu ici (en anglais).

[1] Reference Re Greenhouse Gas Pollution Pricing Act, 2019 SKCA 40 at para 4.

[2] https://www.scc-csc.ca/WebDocuments-DocumentsWeb/38663/FM210_Intervener_National-Association-of-Women-and-the-Law-and-Friends-of-the-Earth.pdf

[3] https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/changements-climatiques/femmes.html

Suivre le dossier

Regarder l’audience

L’affaire doit être entendue par la Cour suprême les 22 et 23 septembre, l’intervention de l’ANFD et des Ami(e)s de la Terre étant prévue dans l’après-midi du 23. L’affaire sera diffusée en direct sur le site de la Cour suprême du Canada, disponible ici.

La décision

Les décisions de la Cour suprême prennent généralement plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant d’être rendues et publiées. Les individus intéressés peuvent consulter le site web de la Cour suprême du Canada pour les mises à jour des décisions et suivre les comptes suivants dans les médias sociaux.

L’association nationale Femmes et Droit — Twitter
Les Ami(e)s de la Terre — Twitter
La Cour suprême du Canada — Twitter

En savoir plus sur l’impact des changements climatiques sur les femmes et les filles…

L’intervention de l’ANFD et les Ami(e)s de la Terre

Dans leur mémoire présenté à la Cour suprême, les deux organisations soulèvent les points suivants. « Les effets néfastes des changements climatiques ne se feront pas sentir de manière uniforme, mais retomberont plus lourdement sur ceux qui sont déjà confrontés aux inégalités et à la marginalisation sociales et économiques. Par exemple, les femmes sont désavantagées en devant assumer des coûts supplémentaires liés à la récupération ou à la préparation des impacts des changements climatiques, étant donné qu’elles ont, en moyenne, des revenus plus faibles que les hommes et sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté. Les femmes autochtones ont des revenus moyens encore plus faibles et des taux de pauvreté plus élevés au sein de la population féminine. Les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’être responsables des soins aux enfants et aux proches âgés, des groupes particulièrement exposés aux effets des changements climatiques. Le gouvernement canadien a reconnu qu’il lui incombe de tenir compte du genre dans sa réponse aux changements climatiques, tant au niveau mondial que national. Il est essentiel de prendre des mesures pour réduire les niveaux nationaux d’émissions de GES, comme la loi vise à le faire, afin de soutenir l’égalité des sexes au Canada (notre traduction) ».

Pour plus d’information sur les impacts des changements climatiques sur les femmes et les filles, le mémoire complet soumis par l’ANFD et les Ami(e)s de la Terre à la Cour suprême peut être lu ici (en anglais).